Sur la plage grise, au bord de la mer grise
et à l'écart, s'étend la ville;
le brouillard pèse lourdement sur les toits
et dans le silence le mugissement monotone
de la mer encercle la ville.

Pas de bruissement de forêt,
en mai, pas un oiseau qui chante sans cesse;
durant les nuits d'automne seul passe le vol
des oies migratrices au cri rauque,
sur la plage il vente dans les herbes.

Pourtant tout mon cœur est attaché à toi,
toi, ville grise au bord de la mer;
pourtant le souriant de la jeunesse
repose souriant à jamais sur toi, sur toi,
toi, ville grise au bord de la mer.

Au loin résonne la musique; pourtant ici la nuit est calme,
Avec un parfum de sommeil les plantes m'effleurent:
J'ai toujours, toujours pensé à toi;
Je voudrais dormir, mais tu dois danser.

Cela ne cesse pas, cela galope sans interruption;
Les bougies brûlent et les violons crient
Les rondes s'ouvrent et se ferment,
Et tous sont rougeoyants, mais tu es pâle.

Et tu dois danser; des bras étrangers se nichent
Sur ton cœur; ô ne souffre pas leur violence!
Je vois voltiger ta robe blanche
Et ta silhouette légère et délicate. -

Et le flot des parfums de la nuit coule plus doucement
Et plus rêveusement du calice des plantes.
J'ai toujours, toujours pensé à toi;
Je voudrais dormir, mais tu dois danser.

Un petit oiseau chante si doucement
Devant moi, de place en place;
Mes pieds blessés me font mal!
Le petit oiseau chante si doucement,
Et je poursuis toujours mon chemin.

Où est passé maintenant le chant?
Déjà tombent les rougeoiements du soir;
La nuit les a recouverts,
Elle a tout recouvert -
Auprès de qui crier misère?

Aucune petite étoile ne brille dans la forêt
Je ne connais ni le chemin ni l'endroit;
Les fleurs sur la pente,
Les fleurs dans la forêt
Continuent de fleurir dans le noir.

Ô reste fidèle aux morts
Que vivant tu as affligés ;
Ô reste fidèle aux morts
Qui vivants t'ont aimé !

Ils sont morts ; pourtant ils restent
Sur la terre sans existence
Jusqu'à ce que la mort ferme les yeux
De tous leurs amours.
Tandis que tu te plonges
De tout cœur dans les plaisirs de la vie,
C'est avec douleur qu'ils désirent
Que tu penses à eux.

Ils t'approchent avec amour,
Seulement tu ne le sens pas ;
Ils te regardent avec tant de trouble,
Mais tu ne le vois pas.

Le pont est maintenant coupé;
Ils se donnent de la peine, anxieux,
Pour bafouiller un mot d'amour
Qui jamais ne passe de l'autre côté.

Dans sa vie d'ombre
L'une d'eux se tourmente par trop :
Son cœur veut te pardonner,
Sa bouche ne peut plus y arriver.

Ô reste fidèle aux morts
Que vivant tu as affligés ;
Ô reste fidèle aux morts
Qui vivants t'ont aimé !

Je sens bien comme la vie s'enfuit
et qu'à la fin il faudra se séparer,
un jour donc viendra le dernier chant
et un jour viendra le dernier baiser.

Je m'accroche encore fermement à  ta bouche
avec un désir douloureux et inquiet,
tu donnes le dernier adieu de la jeunesse,
tu me donnes la dernière rose.

De ce calice magique tu me verses
le dernier breuvage doré
tu es dans ce monde féérique
ma toute dernière lueur vespérale.

Au ciel brille la dernière étoile,
ô ne retiens pas ton cœur,
à tes pieds je défaille
je le sens, tu es ma dernière joie.