Au sein de la forêt, la large rivière
Déroule son ruban bleu.
Tout devait suivre avec force et vacarme,
Qui avait défié ses flots.

Tout se hâte au pied du vainqueur courroucé,
Vers la mugissante rivière de la forêt,
Troncs, pierres et arbres, et racines rampantes,
Pour la flatter et s'y mirer.

Mais un jour l'escargot sur une pierre moussue
S'arrêta au milieu des vagues tumultueuses.
La puissante rivière rugit, agresse
Et tout uniment, crache sur sa maison.

Mais l'escargot persiste et tient ferme,
Au reflux comme au flot,
Méprisé pour son manque d'apparente beauté,
Mais pas moins bon pour cela.

Un joyeux garçon aux pieds nus vint à passer par là
Pour ramasser des moules sur la rive.
Il les tirait doucement hors de l'eau,
La maison de notre escargot était parmi elles.

Mais quand il l'ouvrit, il vit
Une lumière pure et radieuse.
Il avait dans les entrailles blessées de la moule
La plus belle perle qui soit.

Bientôt la rivière fut couverte de glace,
Car l'hiver succède à l'automne,
Mais les perles ornent nuit et jour
La poitrine des plus belles dames.

Il y avait une fleur au bord du chemin
Embrassée par un papillon de l'été,
Qui resta fidèle quand une fille
La cueillit sans bruit.
Car tous mes amis sont les vôtres.

Et la fille mit le papillon
Dans une cage auprès de l'oiseau,
Et aussitôt l'oiseau
Fit la cour au papillon.
Car tous mes amis sont les vôtres.

Ainsi le papillon reçut un habit blanc,
Et aussi des souliers blancs,
Et se maria avec l'oiseau.
Ce fut là un bien grand honneur.
Car tous mes amis sont les vôtres.

Mais la pauvre fleur était à l'écart
De la noce et des agapes,
Elle se flétrit et mourut de chagrin, 
Seule dans son vase,
Car tous ses amis avaient changé.

Couverte de goudron, la roue du moulin tourne.
Les pigeons jouent dans son écume.
La vieille roue qui est immobile
A du laisser la place.

Envahie d'églantiers, usée,
Décolorée par le vent et le temps,
Elle pense : « Je suis maintenant fatiguée,
Avant j'apportais la joie vos pères. »

L'air est ensoleillé et les nuages scintillent
Les vagues bleu clair étincellent et charment ;
Dans les haies les oiseaux bâtissent leurs nids ;
Les tempêtes déchaînées se mettent au repos.

Fleurs et plantes s'étalent sur les murs,
Les chiches et les ladres deviennent charitables,
Le chant du coucou sonne clair comme une cloche ;
Le mouton a mis de côté son habit de laine.

Les vaches regardent avec plaisir vers les champs,
Le temps a passé si lentement dans l'étable ;
Au soleil, les dames cancanent plus gaiement
Que lorsqu'elles tremblotaient près de la cheminée.

Les oiseaux des tempêtes s'arrêtent sur les falaises.
Voyez les bandes de mouettes et de hérons !
Elles ne tournoient plus autour des mâts agités.
Heureux dans mon jardin, un merle me réjouit ;

Et dans ma tête où demeuraient des ombres,
Qui ne croyait plus à la lumière du soleil,
Perce un chaud rayon de jouvence :
Le printemps a trouvé le chemin de mon cœur.

J'étais un arbre plein de promesses et assuré de durer longtemps
Si la tempête ne m'avait dépouillé de mes feuilles, au beau milieu de mon été.

À présent j'étale mes branches dénudées vers les nuages, avec désespoir,
Quand alentour presque tout porte les couleurs de l'été, et offre un spectacle magnifique.

Ô, quand pourrai-je me dissimuler, quand m'accordera-t-on de mourir ?
Ô, comme je me languis de toi, toi blanche et froide neige !

Le duc Magnus de sa fenêtre
Regarde en rêvant les vagues du Vättern,
Fraîches et éclatantes, qui au clair de lune
Léchent les solides murailles du château.

Une lourde angoisse trouble son âme
Car il a perdu son bon père,
Et le sang coule a flot
À cause de la querelle de ses frères.

Le duc Magnus de sa fenêtre
Voit dans la brillante lumière de l'eau
Une petite sirène se balancer doucement,
Chantonnant, libre et séduisante :

« Duc Magnus – chante-t-elle –
Rejoins-moi depuis ton auguste château,
Que ton noble cœur malade
Se baigne dans ces fraîches vagues.

Laisse-moi embrasser ta tempe,
Beau prince, laisse-toi persuader,
Jette-toi dans mes bras,
Je jouerai pour toi sur ma harpe d'or. »

Le duc Magnus de sa fenêtre
Fasciné par la beauté de la nymphe,
Sauta dans l'eau et se laissa conduire
Par son ravissant mirage,

Il fut porté jusqu'à l'aube
Par son amie des eaux,
Et fut trouvé parmi les violettes,
Indemne, endormi sur la plage.

Oh, amitié, charmante fleur,
Quand tous me persécutent,
Viens, blottis-toi sur ma poitrine !
Je te conserverai ma confiance,
Te couvrirai de mille baisers,
Toi qui donnes bonheur et consolation.

Oh, amitié, charmante fleur,
Quand finiront mes jours,
Et que le froid de la mort m'approchera,
Alors tu viendras certainement
Et tu répandras ton baume
Sur la blessure de mon cœur.

Profonde était la couleur du pin, de la roche,
Pins et rochers jetaient leurs ombres
En mousse d'argent et d'or.

Assis sur la pierre en plein cœur de l'ombre
Un adolescent aux boucles noires, aussi pâle qu'un spectre,
Tirait un archet sur ses cordes.

Le nix entame une danse sur sa harpe d'or,
Le rebec se joint à elle et perd la tête
Devant le roi des elfes à la barbe argentée.

L'adolescent n'était que le fruit de ma rêverie,
Le nix était le torrent qui courait en mugissant
Et  aspergeait mes joues de son écume.