Serai-je étonné par ce que je verrai
   au-delà des hautes montagnes ?
Mes yeux ne rencontrent que de la neige.
Tout autour il y a cet arbre vert,
   qui aimerait tant s'élever,
   quand osera-t-il partir ?

L'aigle s'élève à grands coups d'aile
   au-dessus de la haute montagne,
il plane dans le matin revigorant,
il se charge de courage, dans une chasse sauvage,
   il plonge où il veut, 
   il voit des côtes étrangères !

Pommier feuillu, ne veux-tu pas aussi
   passer la haute montagne ?
Tu pousses, quand l'été s'approche,
tu attends son prochain passage,
   là tous les oiseaux se balancent,
   mais tu ne sais pas ce qu'ils chantent :

Celui qui s'est langui vingt ans
   de passer la haute montagne,
celui-à qui savait ne pouvoir s'en approcher,
se sait plus petit d'année en année,
   il écoute ce que chantent les oiseaux
   que tu voyais se balancer avec confiance.

Oiseau babillard, pourquoi veux-tu
   passer la haute montagne ?
Tu dis que tu te trouverais certainement mieux là-bas,
une plus large vue et des arbres plus grands,
   ne peux-tu pas t'empêcher de m'apporter
   l'impatience, mais sans les ailes ?

Ne pourrai-je jamais, jamais être proche
   de passer la haute montagne ?
Cette muraille frappera-t-elle mes pensées,
comme une terreur de neige et de glace,
   les verrouillant jusqu'à la fin,
   devenant mon cercueil ?

Je veux sortir ! Sortir ! -- Ô si loin, loin, loin,
   passer la haute montagne !
Ici, c'est si oppressant, étroit,
et mon cœur est si jeune et si droit,
   laissez-le tenter de s'élever,
   sans qu'il se brise sur les parois du mur !

Un jour je sais que je réussirai
   à passer la haute montagne,
peut-être as-tu entre-baillé ta porte ?
Seigneur, mon Dieu ! Il fait bon dans ta maison,
   cependant si tu la laisses encore verrouillée,
   alors j'aurai la permission de me languir !