Douceur du soir! Douceur de la chambre sans lampe! Le crépuscule est doux comme une bonne mort Et l'ombre lentement qui s'insinue et rampe Se déroule en pensée au plafond. Tout s'endort. Comme une bonne mort sourit le crépuscule Et dans le miroir terne, en un geste d'adieu, Il semble doucement que soi-même on recule, Qu'on s'en aille plus pâle et qu'on y demeure un peu. Sur les tableaux pendus au murs, dans la mémoire Où sont les souvenirs en leurs cadres déteints, Paysages de l'âme et paysages peints, On croit sentir tomber comme une neige noire. Douceur du Soir! Douceur qui fait qu'on s'habitue À la sourdine, aux sons de viole assoupis; L'amant entend songer l'amante qui s'est tue Et leurs yeux sont ensemble aux dessins du tapis. Et langoureusement la clarté se retire. Douceur! Ne plus voir distincts! N'être plus qu'un! Silence! deux senteurs en un même parfum: Penser la même chose et ne pas se le dire.
Sept mélodies
Song Cycle by Jean-Émile-Paul Cras (1879 - 1932)
1. Douceur du soir
Text Authorship:
- by Georges Rodenbach (1855 - 1898), no title, written 1888?, appears in Le Règne du Silence, Poème, in 6. Du silence, no. 2, Paris, Éd. Bibliothèque Charpentier, first published 1891
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Researcher for this page: Geoffrey Wieting2. Mains lasses  [sung text not yet checked]
Souvent on voit des mains qui sont faibles et lasses D'avoir voulu cueillir trop de roses ou d'âmes ; Elles pendent le long du corps comme des rames, Et ce n'est que du silence qu'elles déplacent En remuant, de temps en temps, dans l'air à peine ! Mains qui voudraient un peu s'amarrer à la rive, Mais que la vie, au fil de son courant, entraîne, Mains sans espoirs et sans désirs, à la dérive...
Text Authorship:
- by Georges Rodenbach (1855 - 1898), no title, written 1896?, appears in Les vies encloses, poème , in 3. Les lignes de la main, no. 7, Paris, Éd. Bibliothèque Charpentier, first published 1896
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]3. L'espoir luit
L'espoir luit comme un brin de paille dans l'étable. Que crains-tu de la guêpe ivre de son vol fou ? Vois, le soleil toujours poudroie à quelque trou. Que ne t'endormais-tu, le coude sur la table? Pauvre âme pâle, au moins cette eau du puits glacé, Bois-la. Puis dors après. Allons, tu vois, je reste, Et je dorloterai les rêves de ta sieste, Et tu chantonneras comme un enfant bercé. Midi sonne. De grâce, éloignez-vous, madame. Il dort. C'est étonnant comme les pas de femme Résonnent au cerveau des pauvres malheureux. Midi sonne. J'ai fait arroser dans la chambre. Va, dors! L'espoir luit comme un caillou dans un creux. Ah ! quand refleuriront les roses de septembre !
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- by Paul Verlaine (1844 - 1896), no title, appears in Sagesse, in Sagesse III, no. 3, first published 1880
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- ENG English (Peter Low) , copyright © 2022, (re)printed on this website with kind permission
4. Le son du cor s'afflige vers les bois
Le son du cor s'afflige vers les bois, D'une douleur on veut croire orpheline Qui vient mourir au bas de la colline, Parmi la bise errant en courts abois. L'âme du loup pleure dans cette voix, Qui monte avec le soleil, qui décline D'une agonie on veut croire câline, Et qui ravit et qui navre à la fois. Pour faire mieux cette plainte assoupie, La neige tombe à longs traits de charpie A travers le couchant sanguinolent, Et l'air a l'air d'être un soupir d'automne, Tant il fait doux par ce soir monotone, Où se dorlote un paysage lent.
Text Authorship:
- by Paul Verlaine (1844 - 1896), no title, appears in Sagesse, in Sagesse III, no. 9, first published 1880
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- CZE Czech (Čeština) (Jaroslav Vrchlický) , "Sonet"
- ENG English (Peter Low) , "The sound of the horn is wailing near the woods", copyright © 2000, (re)printed on this website with kind permission
- ENG English (Corinne Orde) , "The sound of the horn", copyright © 2008, (re)printed on this website with kind permission
- GER German (Deutsch) ( Wolf von Kalckreuth, Graf)
5. Rêverie
Le soir tombe... Le vent Qui berce les feuilles tremblantes Déroule sur mon front brûlant Des étoffes rafraîchissantes. L'air est rempli d'une douceur Si suave que l'on devine, Comme une présence divine, L'apparition d'une sœur. Légère comme un pas de femme Qui se pose sur le gazon, L'ombre descend sur l'horizon : On dirait l'approche d'une âme... C'est l'heure enjôleuse où l'on sent Couler le temps comme une eau pure : C'est l'heure où le passé murmure Qu'il est moins doux que le présent. Puis, tout s'éloigne et s'imprécise Tout devient immatériel. Et le baiser spirituel Du silence vous angélise.
Text Authorship:
- by Alfred Droin (1878 - 1967), "Vesper", appears in Amours divines et terrestres, Paris, Éd. Alphonse Lemerre, first published 1901
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]6. Nocturne
L'heure était alanguie, un vent léger posait
Des lèvres de fraîcheur sur les plantes lassées ;
Les âmes et les fleurs se sentaient caressées
Par des douceurs d'avril, en ce soir de juillet...
L'heure était alanguie ; un vent léger posait
Des baisers fugitifs aux corolles lassées.
...
Le jour tombait sans bruit, ainsi qu'un fruit bien mûr
Qui tombe mollement dans l'herbe et dans la mousse,
Détaché par le doigt d'une brise très douce.
Et le soir aux yeux d'or descendait de l'azur.
Le jour tombait sans bruit, ainsi qu'un fruit bien mûr ;
Une source chantait dans son lit plein de mousse.
La mer qui déroulait ses vagues d'argent clair,
Sous son archet puissant faisait vibrer la côte ;
Et ses arpèges lents, sur la terrasse haute,
Emportaient ma pensée au delà de l'éther.
La mer qui déroulait ses vagues d'argent clair
Comme un riche instrument faisait vibrer la côte.
Les hommes s'étant tus, l'espace s'emplissait
De la grande rumeur des choses éternelles.
L'infini regardait par ses milles prunelles.
Au rythme universel mon cœur s'harmonisait.
Les hommes s'étant tus, l'espace s'emplissait
Des bruits d'orgues que font les choses éternelles.
Text Authorship:
- by Alfred Droin (1878 - 1967), "Nocturne", appears in Amours divines et terrestres, Paris, Éd. Alphonse Lemerre, first published 1901
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]7. Correspondances
La Nature est un temple où de vivants piliers Laissent parfois sortir de confuses paroles ; L'homme y passe à travers des forêts de symboles Qui l'observent avec des regards familiers. Comme de longs échos qui de loin se confondent, Dans une ténébreuse et profonde unité, Vaste comme la nuit et comme la clarté, Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants, Doux comme les hautbois, verts comme les prairies, -- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants, Ayant l'expansion des choses infinies, Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens, Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.
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- by Charles Baudelaire (1821 - 1867), "Correspondances", appears in Les Fleurs du mal, in 1. Spleen et Idéal, no. 4, Paris, Poulet-Malassis et de Broise, first published 1857
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- CZE Czech (Čeština) (Jaroslav Haasz) , "Shody"
- CZE Czech (Čeština) (Jaroslav Goll) , "Souzvuky"
- ENG English (Emily Wyatt) , "Correspondences", copyright © 2012, (re)printed on this website with kind permission
- ENG English (Charles Hopkins) , "Correlatives", written 2002, copyright ©, (re)printed on this website with kind permission
- ENG English (Charles Hopkins) , "Correlatives", written c2005, copyright ©, (re)printed on this website with kind permission
- ENG English (Cyril Meir Scott) , "Echoes", appears in The Flowers of Evil, London, Elkin Mathews, first published 1909
- HUN Hungarian (Magyar) (Tamás Rédey) , "Kapcsolódások", copyright © 2015, (re)printed on this website with kind permission
- POR Portuguese (Português) (Delfim Guimarães) , "Correspondências", appears in As Flores do Mal
Confirmed with Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, Paris: Poulet-Malassis et de Broise, 1857, in Spleen et Idéal, pages 19-20. Also confirmed with Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, Paris: Poulet-Malassis et de Broise, 1861, in Spleen et Idéal, pages 15-16. Also confirmed with Charles Baudelaire, Œuvres complètes de Charles Baudelaire, vol. I : Les Fleurs du mal, Paris: Michel Lévy frères, 1868, in Spleen et Idéal, page 92. Punctuation and formatting follows 1857 edition.
Research team for this page: Emily Ezust [Administrator] , Poom Andrew Pipatjarasgit [Guest Editor]