Je sais pourquoi sur ces rivages
L'esprit des marins est entouré par une pensée secrète :
Il y a là une nymphe triste avec sa tresse défaite,
Presque cachée dans les roseaux mélodieux,
Parfois, elle chante une chanson sur sa chevelure de soie,
L'azur de ses yeux pleins de larmes, les perles de ses dents
Et son cœur, plein d'un amour non partagé.
Quand un petit bateau passe -- un marin fasciné
L'écoute, et s'arrête de ramer ;
Elle s'arrête de chanter -- mais longtemps après
Il lui semble l'entendre chanter sur l'eau
Et voir la nymphe dans les roseaux, avec sa tresse défaite.

La nuit dernière, je ne pouvais pas dormir,
Je me levai, j'ouvris la fenêtre...
La nuit muette me tourmentait, me brûlait,
Le parfum des fleurs m'enivrait.

Soudain j'entendis un bruit dans les buissons sous la fenêtre,
Brusquement les rideaux s'ouvrirent bruyamment,
Et un jeune homme au visage lumineux vola vers moi,
Comme s'il était fait de lumière lunaire.

Le mur de ma chambre s'ouvrit,
Et derrière lui une colonnade apparut,
Entre des pyramides de guirlandes de roses une lumière,
Brillait dans des vases en albâtre.

Le merveilleux visiteur vint près de mon lit,
Et me dit avec un doux sourire :
« Pourquoi devant moi plonges-tu dans l'oreiller
Comme un petit poisson qui a peur ?

Regarde, je suis un dieu, le dieu des visions et des rêves,
Je suis l'ami secret des jeunes filles timides,
Et j'apporte le bonheur du ciel, pour la première fois,
Pour toi, pour ma reine ... »

Il parlait et mon visage loin
De l'oreiller il l'éloigna de ses mains doucement,
Et il embrassa ma joue ardemment,
Et il chercha ma bouche, mes lèvres...

Sous son souffle, je perdis mes forces,
Mes mains s'écartèrent devant mon sein,
Et résonnait à mes oreilles : « Tu es à moi, tu es à moi ! »
Comme le son lointain d'une harpe.

Les heures tournèrent... j'ouvris les yeux...
Ma chambre était déjà baignée par l'aube...
J'étais seule... Je tremblais... Ma tresse était défaite...
Je ne sais pas ce qui m'est arrivé...