Il faut chanter un chant pastoral, invoquer Pan, dieu du vent d'été. Je garde mon troupeau et Sélénis le sien, à l'ombre ronde d'un olivier qui tremble. Sélénis est couchée sur le pré. Elle se lève et court, ou cherche des cigales, ou cueille des fleurs avec des herbes, ou lave son visage dans l'eau fraîche du ruisseau. Moi, j'arrache la laine au dos blond des moutons pour en garnir ma quenouille, et je file. Les heures sont lentes. Un aigle passe dans le ciel. L'ombre tourne: changeons de place la corbeille de fleurs et la jarre de lait. Il faut chanter un chant pastoral, invoquer Pan, dieu du vent d'été.
Chansons de Bilitis
Song Cycle by Claude Achille Debussy (1862 - 1918)
Translated to:
English — Songs of Bilitis (Marvin J. Ward)
German (Deutsch) — Lieder der Bilitis (Bertram Kottmann)
1. Chant pastoral
Text Authorship:
- by Pierre-Félix Louis (1870 - 1925), as Pierre Louÿs, "Chant pastoral", appears in Les Chansons de Bilitis, in Bucoliques en Pamphylie, no. 2
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- ENG English (Marvin J. Ward) , "Pastoral Song", copyright © 2003, (re)printed on this website with kind permission
- GER German (Deutsch) (Bertram Kottmann) , "Hirtenlied", copyright © 2013, (re)printed on this website with kind permission
2. Les Comparaisons
Bergeronnette, oiseau de Kypris, chante avec nos premiers désirs ! Le corps nouveau des jeunes filles se couvre de fleurs comme la terre. La nuit de tous nos rêves approche et nous en parlons entre nous. Parfois, nous comparons ensemble nos beautés si différentes, nos chevelures déjà longues, nos jeunes seins encore petits, nos pubertés rondes comme des cailles et blotties sous la plume naissante. Hier je luttai de la sorte contre Melanthô mon aînée. Elle était fière de sa poitrine qui venait de croître en un mois, et, montrant ma tunique droite, elle m'avait appelée: Petite enfant. Pas un homme ne pouvait nous voir, nous nous mîmes nues devant les filles, et, si elle vainquit sur un point, je l'emportai de loin sur les autres. Bergeronnette, oiseau de Kypris, chante avec nos premiers désirs!
Text Authorship:
- by Pierre-Félix Louis (1870 - 1925), as Pierre Louÿs, "Les Comparaisons", appears in Les Chansons de Bilitis, in Bucoliques en Pamphylie, no. 12
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- ENG English (Marvin J. Ward) , "Comparisons", copyright © 2003, (re)printed on this website with kind permission
- GER German (Deutsch) (Bertram Kottmann) , "Vergleiche", copyright © 2013, (re)printed on this website with kind permission
3. Les contes
Je suis aimée des petits enfants; dès qu'ils me voient, ils courent à moi, et s'accrochent à ma tunique et prennent mes jambes dans leurs petits bras. S'ils ont cueilli des fleurs, ils me les donnent toutes ; s'ils ont pris un scarabée ils le mettent dans ma main; s'ils n'ont rien ils me caressent et me font asseoir devant eux. Alors ils m'embrassent sur la joue, ils posent leurs têtes sur mes seins ; ils me supplient avec les yeux. Je sais bien ce que cela veut dire. Cela veut dire: "Bilitis chérie, redis-nous, car nous sommes gentils, l'histoire du héros Perseus ou la mort de la petite Hellé."
Text Authorship:
- by Pierre-Félix Louis (1870 - 1925), as Pierre Louÿs, "Les contes", appears in Les Chansons de Bilitis, in Bucoliques en Pamphylie, no. 18
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- ENG English (Marvin J. Ward) , "The tales", copyright © 2003, (re)printed on this website with kind permission
- GER German (Deutsch) (Bertram Kottmann) , "Geschichten", copyright © 2013, (re)printed on this website with kind permission
4. Chanson
«Ombre du bois où elle devait venir, dis-moi, où est allée ma maîtresse ? -- Elle est descendue dans la plaine. -- Plaine, où est allée ma maîtresse ? -- Elle a suivi les bords du fleuve. -- Beau fleuve qui l'as vue passer, dis-moi, est-elle près d'ici ? -- Elle m'a quitté pour le chemin. -- Chemin, la vois-tu encore ? -- Elle m'a laissé pour la route. -- Ô route blanche, route de la ville, dis-moi, où l'as-tu conduite ? -- À la rue d'or qui entre à Sardes. -- Ô rue de lumière, touches-tu ses pieds nus ? -- Elle est entrée au palais du roi. -- Ô palais, splendeur de la terre, rends-la-moi ! -- Regarde, elle a des colliers sur les seins et des houppes dans les cheveux, cent perles le long des jambes, deux bras autour de la taille.»
Text Authorship:
- by Pierre-Félix Louis (1870 - 1925), as Pierre Louÿs, "Chanson (Ombre du bois)", appears in Les Chansons de Bilitis, in Bucoliques en Pamphylie, no. 23
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- ENG English (Marvin J. Ward) , "Song", copyright © 2003, (re)printed on this website with kind permission
- GER German (Deutsch) (Bertram Kottmann) , "Lied", copyright © 2013, (re)printed on this website with kind permission
5. La partie d'osselets
Comme nous l'aimions toutes les deux, nous l'avons joué aux osselets. Et ce fut une partie célèbre. Beaucoup de jeunes filles y assistaient. Elle amena d'abord le coup des Kyklôpes, et moi, le coup de Sôlon. Mais elle, le Kallibolos, et moi, me sentant perdue, je priais la déesse ! Je jouai, j'eus l'Epiphénôn, elle le terrible coup de Khios, moi l'Antiteukhos, elle le Trikhias, et moi le coup d'Aphroditê qui gagna l'amant disputé. Mais la voyant pâlir, je la pris par le cou et je lui dis tout près de l'oreille (pour qu'elle seule m'entendît) : « Ne pleure pas, petite amie, nous le laisserons choisir entre nous. »
Text Authorship:
- by Pierre-Félix Louis (1870 - 1925), as Pierre Louÿs, "La partie d'osselets", appears in Les Chansons de Bilitis, in Bucoliques en Pamphylie, no. 28
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- ENG English (Marvin J. Ward) , "The Game of Jacks", copyright © 2003, (re)printed on this website with kind permission
- GER German (Deutsch) (Bertram Kottmann) , "Das Astragalspiel", copyright © 2013, (re)printed on this website with kind permission
6. Bilitis
Une femme s'enveloppe de laine blanche. Une autre se vêt de soie et d'or. Une autre se couvre de fleurs, de feuilles vertes et de raisins. Moi, je ne saurais vivre que nue. Mon amant, prends-moi comme je suis: sans robe ni bijoux ni sandales, voici Bilitis toute seule. Mes cheveux sont noirs de leur noir et mes lèvres rouges de leur rouge. Mes boucles flottent autour de moi libres et rondes comme des plumes. Prends-moi telle que ma mère m'a faite dans une nuit d'amour lointaine, et si je te plais ainsi, n'oublie pas de me le dire.
Text Authorship:
- by Pierre-Félix Louis (1870 - 1925), as Pierre Louÿs, "Bilitis", appears in Les Chansons de Bilitis, in Bucoliques en Pamphylie, no. 38
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- ENG English (Marvin J. Ward) , "Bilitis", copyright © 2003, (re)printed on this website with kind permission
- GER German (Deutsch) (Bertram Kottmann) , "Bilitis", copyright © 2013, (re)printed on this website with kind permission
7. Le tombeau sans nom
Mnasidika m'ayant prise par la main me mena hors des portes de la ville, jusqu'à un petit champ inculte où il y avait une stèle de marbre. Et elle me dit : « Celle-ci fut l'amie de ma mère. » Alors je sentis un grand frisson, et sans cesser de lui tenir la main, je me penchai sur son épaule, afin de lire les quatre vers entre la coupe creuse et le serpent : « Ce n'est pas la mort qui m'a enlevée, mais les Nymphes des fontaines. Je repose ici sous une terre légère avec la chevelure coupée de Xanthô. Qu'elle seule me pleure. Je ne dis pas mon nom. » Longtemps nous sommes restées debout, et nous n'avons pas versé la libation. Car comment appeler une âme inconnue d'entre les foules de l'Hadès?
Text Authorship:
- by Pierre-Félix Louis (1870 - 1925), as Pierre Louÿs, "Le tombeau sans nom", appears in Les Chansons de Bilitis, in Élégies à Mytilène, no. 59
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- ENG English (Marvin J. Ward) , "The Nameless Tomb", copyright © 2003, (re)printed on this website with kind permission
- GER German (Deutsch) (Bertram Kottmann) , "Das namenlose Grab", copyright © 2013, (re)printed on this website with kind permission
8. Les Courtisanes égyptiennes
Je suis allée avec Plangon chez les courtisanes égyptiennes, tout en haut de la vielle ville. Elles ont des amphores de terre, des plateaux de cuivre et des nattes jaunes où elles s'accroupissent sans effort. Leurs chambres sont silencieuses, sans angles et sans encoignures, tant les couches successives de chaux bleue ont émoussé les chapiteaux et arrondi le pied des murs. Elles se tiennent immobiles, les mains posées sur les genoux. Quand elles offrent la bouillie, elles murmurent : "Bonheur." Et quand on les remercie, elles disent: "Grâce à toi." Elles comprennent le hellène et feignent de le parler mal pour se rire de nous dans leur langue ; mais nous, dent pour dent, nous parlons lydien et elles s'inquiètent tout à coup.
Text Authorship:
- by Pierre-Félix Louis (1870 - 1925), as Pierre Louÿs, "Les Courtisanes égyptiennes", appears in Les Chansons de Bilitis, in Épigrammes dans l'Île de Chypre, no. 105
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- ENG English (Marvin J. Ward) , "The Egyptian Courtesans", copyright © 2003, (re)printed on this website with kind permission
- GER German (Deutsch) (Bertram Kottmann) , "Die ägyptischen Kurtisanen", copyright © 2013, (re)printed on this website with kind permission
9. L'eau pure du bassin
"Eau pure du bassin, miroir immobile,
dis-moi ma beauté. - ... Bilitis, ou qui que tu sois,
Téthys peut-être ou Amphitritê,
tu es belle, sache-le.
"Ton visage se penche sous ta chevelure épaisse,
gonflée de fleurs et de parfums.
Tes paupières molles s'ouvrent à peine
et tes flancs sont las des mouvements de l'amour.
"Ton corps fatigué du poids de tes seins
porte les marques fines de l'ongle
et les taches bleues du baiser.
Tes bras sont rougis par l'étreinte.
Chaque ligne de ta peau fut aimée.
-- Eau claire du bassin, ta fraîcheur repose.
Reçois-moi, qui suis lasse en effet.
Emporte le fard de mes joues, et la sueur de mon ventre
et le souvenir de la nuit."
Text Authorship:
- by Pierre-Félix Louis (1870 - 1925), as Pierre Louÿs, "L'eau pure du bassin", appears in Les Chansons de Bilitis, in Épigrammes dans l'Île de Chypre, no. 112
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- ENG English (Marvin J. Ward) , "The pure water of the basin", copyright © 2003, (re)printed on this website with kind permission
- GER German (Deutsch) (Bertram Kottmann) , "Klares Wasser im Bassin", copyright © 2013, (re)printed on this website with kind permission
10. La Danseuse aux crotales
Tu attaches à tes mains légères tes crotales retentissants, Myrrhinidion ma chérie, et à peine nue hors de la robe, tu étires tes membres nerveux. Que tu es jolie, les bras en l'air, les reins arqués et les seins rouges! Tu commences : tes pieds l'un devant l'autre se posent, hésitent, et glissent mollement. Ton corps se plie comme une écharpe, tu caresses ta peau qui frissonne, et la volupté inonde tes longs yeux évanouis. Tout à coup, tu claques des crotales ! Cambre-toi sur tes pieds dressés, secoue les reins, lance les jambes et que tes mains pleines de fracas appellent tous les désirs en bande autour de ton corps tournoyant ! Nous applaudissons à grands cris, soit que, souriant sur l'épaule, tu agites d'un frémissement ta croupe convulsive et musclée, soit que tu ondules presque étendue, au rythme de tes souvenirs.
Text Authorship:
- by Pierre-Félix Louis (1870 - 1925), as Pierre Louÿs, "La Danseuse aux crotales", appears in Les Chansons de Bilitis, in Épigrammes dans l'Île de Chypre, no. 123
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- ENG English (Marvin J. Ward) , "The Dancer With Krotales", copyright © 2003, (re)printed on this website with kind permission
- GER German (Deutsch) (Bertram Kottmann) , "Die Tänzerin mit den Krotala", copyright © 2013, (re)printed on this website with kind permission
11. Le Souvenir de Mnasidika
Elles dansaient l'une devant l'autre, d'un mouvement rapide et fuyant; elles semblaient toujours vouloir s'enlacer, et pourtant ne se touchaient point, si ce n'est du bout des lèvres. Quand elles tournaient le dos en dansant, elles se regardaient, la tête sur l'épaule, et la sueur brillait sous leurs bras levés, et leurs chevelures fines passaient devant leurs seins. La langueur des leurs yeux, le feu de leurs joues, la gravité de leurs visages, étaient trois chansons ardentes. Elles se frôlaient furtivement, elles pliaient leurs corps sur les hanches. Et tout à coup, elles sont tombées, pour achever à terre la danse molle... Souvenir de Mnasidika, c'est alors que tu m'apparus, et tout, hors ta chère image, me fut importun.
Text Authorship:
- by Pierre-Félix Louis (1870 - 1925), as Pierre Louÿs, "Le Souvenir de Mnasidika", appears in Les Chansons de Bilitis, in Épigrammes dans l'Île de Chypre, no. 148
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- ENG English (Marvin J. Ward) , "The Memory of Mnasidika", copyright © 2003, (re)printed on this website with kind permission
- GER German (Deutsch) (Bertram Kottmann) , "Beim Gedenken Mnasidikas", copyright © 2013, (re)printed on this website with kind permission
12. La pluie au matin
La nuit s'éfface. Les étoiles s'éloignent. Voici que les dernières courtisanes sont rentrées avec les amants. Et moi, dans la pluie du matin, j'écris ces vers sur le sable. Les feuilles sont chargées d'eau brillante. Des ruisseaux à travers les sentiers entraînent la terre et les feuilles mortes. La pluie, goutte à goutte, fait des trous dans ma chanson. Oh! que je suis triste et seule ici! Les plus jeunes ne me regardent pas; les plus âgés m'ont oublieé. C'est bien. Ils apprendront mes vers, et les enfants de leurs enfants. Voilà ce que ni Myrtalê, ni Thaïs, ni Glykére ne se diront, le jour où leurs belles joues seront creuses. Ceux qui aimeront après moi chanteront mes strophes ensemble.
Text Authorship:
- by Pierre-Félix Louis (1870 - 1925), as Pierre Louÿs, "La pluie au matin", written 1894, appears in Les Chansons de Bilitis, in Épigrammes dans l'Île de Chypre, no. 154, Paris, Éd. du Mercure de France, first published 1897
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- ENG English (Sarah Daughtrey) , "Morning rain", copyright ©, (re)printed on this website with kind permission
- ENG English (Marvin J. Ward) , "The Morning Rain", copyright © 2003, (re)printed on this website with kind permission
- GER German (Deutsch) (Bertram Kottmann) , "Morgenregen", copyright © 2013, (re)printed on this website with kind permission