Au-dessus des grands bois profonds L’étoile du berger s’allume... Groupes sur l’herbe dans la brume... Pizzicati des violons... Entre les mains, les mains s’attardent, Le ciel où les amants regardent Laisse un reflet rose dans l’eau ; Et dans la clairière indécise, Que la nuit proche idéalise, Passe entre Estelle et Cydalise L’ombre amoureuse de Watteau. Watteau, peintre idéal de la fête jolie, Ton art léger fut tendre et doux comme un soupir, Et tu donnas une âme inconnue au désir En l’asseyant aux pieds de la mélancolie. Tes bergers fins avaient la canne d’or au doigt ; Tes bergères, non sans quelques façons hautaines, Promenaient, sous l’ombrage où chantaient les fontaines, Leurs robes qu’effilait derrière un grand pli droit... Dans l’air bleuâtre et tiède agonisaient les roses ; Les coeurs s’ouvraient dans l’ombre au jardin apaisé, Et les lèvres, prenant aux lèvres le baiser, Fiançaient l’amour triste à la douceur des choses. Les pèlerins s’en vont au pays idéal... La galère dorée abandonne la rive ; Et l’amante à la proue écoute au loin, pensive, Une flûte mourir, dans le soir de cristal... Oh ! Partir avec eux par un soir de mystère, Ô maître, vivre un soir dans ton rêve enchanté ! La mer est rose... il souffle une brise d’été, Et quand la nef aborde au rivage argenté La lune doucement se lève sur Cythère. L’éventail balancé sans trêve Au rythme intime des aveux Fait, chaque fois qu’il se soulève, S’envoler au front des cheveux, L’ombre est suave... tout repose. Agnès sourit ; Léandre pose Sa viole sur son manteau ; Et sur les robes parfumées, Et sur les mains des bien-aimées, Flotte, au long des molles ramées, L’âme divine de Watteau.
Douze poëmes chantés
by René Chansarel (1864 - 1945)
1. Watteau  [sung text not yet checked]
Text Authorship:
- by Albert Victor Samain (1858 - 1900), "Watteau", written 1901, appears in Le chariot d'or, in 1. Les roses dans la coupe, no. 20, Paris, Éd. du Mercure de France, first published 1901
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]2. Mon cœur est un beau lac  [sung text not yet checked]
Mon cœur est un beau lac solitaire qui tremble, Hanté d'oiseaux furtifs et de rameaux frôleurs, Où le vol argenté des sylphes bleus s'assemble En un soir diaphane où défaillent des fleurs. La lune y fait rêver ses pâleurs infinies ; L'aurore en son cristal baigne ses pieds rosés ; Et sur ses bords, en d'éternelles harmonies, Soupire l'orgue des grands joncs inapaisés. [ ... ] Les nefs d'amour, avec leurs velours de simarres, Captives en tourment, se meurent sur les eaux... Oh ! quels doigts fins viendront dénouer les amarres, Un soir, parmi la chevelure des roseaux ? Laquelle s'en viendra, quand sonneront les heures, Voguer, pâle de lune et perdue en un ciel ? Laquelle au doux sanglot des musiques mineures Taira dans un baiser le mot essentiel ? [ ... ]
Text Authorship:
- by Albert Victor Samain (1858 - 1900), "Invitation", appears in Au jardin de l'Infante
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]3. Écoute la symphonie  [sung text not yet checked]
Oh ! Écoute la symphonie ; Rien n'est doux comme une agonie Dans la musique indéfinie Qu'exhale un lointain vaporeux ; D'une langueur la nuit s'enivre, Et notre cœur qu'elle délivre Du monotone effort de vivre Se meurt d'un trépas langoureux. Glissons entre le ciel et l'onde, Glissons sous la lune profonde ; Toute mon âme, loin du monde, S'est réfugiée en tes yeux, Et je regarde tes prunelles Se pâmer sous les chanterelles, Comme deux fleurs surnaturelles Sous un rayon mélodieux. Oh ! écoute la symphonie ; Rien n'est doux comme l'agonie De la lèvre à la lèvre unie Dans la musique indéfinie...
Text Authorship:
- by Albert Victor Samain (1858 - 1900), "Musique sur l'eau", written 1893, appears in Au jardin de l'Infante, Paris, Éd. du Mercure de France, first published 1897
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- ENG English (Peter Low) , copyright © 2022, (re)printed on this website with kind permission
4. Je vous écris
Je vous écris à l'ombre du mystère
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5. Le Repos en Égypte  [sung text not yet checked]
La nuit est bleue et chaude, et le calme infini... Roulé dans son manteau, le front sur une pierre, Joseph dort, le coeur pur, ayant fait sa prière, Et l'âne à ses pieds est comme un humble ami. Entre les pieds du Sphynx appuyée à demi, La vierge pâle et douce, à fermé la paupière; Et, dans l'ombre, une étrange et suave lumière Sort du petit Jésus dans ses bras endormi. Autour d'eux le désert songe mysterieux; Et tout est si tranquille a cette heure, en ces lieux Qu'on entendrait l'enfant respirer sous ses voiles. Nul souffle... La fumée immobile du feu Monte ainsi qu'un long fil se perd dans l'air bleu... Et le Sphynx éternel atteste les étoiles.
Text Authorship:
- by Albert Victor Samain (1858 - 1900), "Le Repos en Égypte", appears in Le chariot d'or, in 1. La symphonie héroïque, in 1. Évocations, no. 10, Paris, Éd. du Mercure de France, first published 1901
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- ENG English (Nathalie Paulin) , copyright © 2008, (re)printed on this website with kind permission
- ITA Italian (Italiano) (Ferdinando Albeggiani) , "Il riposo in Egitto", copyright © 2008, (re)printed on this website with kind permission
6. Versailles  [sung text not yet checked]
Ô Versailles, par cette après-midi fanée, Pourquoi ton souvenir m'obsède-t-il ainsi? Les ardeurs de l'été s'éloignent, et voici Que s'incline vers nous la saison surannée. Je veux revoir au long d'une calme journée Tes eaux glauques que jonche un feuillage roussi, Et respirer encore, un soir d'or adouci, Ta beauté plus touchante au déclin de l'année. Voici tes ifs en cône et tes tritons joufflus, Tes jardins composés où Louis ne vient plus Et ta pompe arborant les plumes et les casques. Comme un grand lys tu meurs, noble et triste, sans bruit; Et ton onde épuisée au bord moisi des vasques S'écoule, douce ainsi qu'un sanglot dans la nuit.
Text Authorship:
- by Albert Victor Samain (1858 - 1900), "Ô Versailles", written 1894, appears in Le chariot d'or, in 1. Les roses dans la coupe, in Versailles, no. 1, Paris, Éd. du Mercure de France, first published 1901
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- ENG English (Peter Low) , copyright © 2018, (re)printed on this website with kind permission
7. Kléarista  [sung text not yet checked]
Kléarista s'en vient par les blés onduleux
Avec ses noirs sourcils arqués sur ses yeux bleus,
Son front étroit coupé de fines bandelettes,
Et, sur son cou flexible et blanc comme le lait,
Ses tresses où, parmi les roses de Milet,
On voit fleurir les violettes.
[ ... ]
Sous le ciel jeune et frais, qui rayonne le mieux,
De la Sicilienne au doux rire, aux longs yeux,
Ou de l'Aube qui sort de l'écume marine ?
Qui le dira ? Qui sait, ô lumière, ô beauté,
Si vous ne tombez pas du même astre enchanté
Par qui tout aime et s'illumine ?
Du faîte où ses béliers touffus sont assemblés,
Le berger de l'Hybla voit venir par les blés
Dans le rose brouillard la forme de son rêve.
Il dit : C'était la nuit, et voici le matin !
Et plus brillant que l'Aube à l'horizon lointain
Dans son coeur le soleil se lève !
Text Authorship:
- by Charles-Marie-René Leconte de Lisle (1818 - 1894), "Kléarista", written 1862?, appears in Poèmes antiques, first published 1862
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First published in La Revue contemporaine, October 15, 1862.
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
8. Sainte  [sung text not yet checked]
À la fenêtre recélant Le santal vieux qui se dédore De la viole étincelant Jadis [avec]1 flûte ou mandore Est la sainte pâle, étalant Le livre vieux qui se déplie Du Magnificat ruisselant Jadis selon vêpre [et]2 complie: À ce vitrage d'ostensoir Que frôle une harpe par l'Ange Formée avec son vol du soir Pour la délicate phalange Du doigt que, sans le vieux santal Ni le vieux livre, elle balance Sur le plumage instrumental, Musicienne du silence.
Text Authorship:
- by Stéphane Mallarmé (1842 - 1898), "Sainte", written 1865, appears in Poésies, first published 1883
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- ENG English (Stephen Jackson) , "Sainte", copyright © 2007, (re)printed on this website with kind permission
First published in Les Poètes maudits, in "Lutèce", November 24-30, 1883, and later published in Poésies, Paris, Éd. de la Revue indépendante, 1887.
1 Ravel: "selon"2 Ravel: "ou"
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9. Le Jet d'eau  [sung text not yet checked]
Tes beaux yeux sont las, pauvre amante ! Reste longtemps, sans les rouvrir, Dans cette pose nonchalante Où t'a surprise le plaisir. Dans la cour le jet d'eau qui jase Et ne se tait ni nuit ni jour, Entretient doucement l'extase Où ce soir m'a plongé l'amour. [ La gerbe épanouie En mille fleurs, Où Phœbé réjouie Met ses couleurs, Tombe comme une pluie De larges pleurs.]1 Ainsi ton âme qu'incendie L'éclair brûlant des voluptés S'élance, rapide et hardie, Vers les vastes cieux enchantés. Puis, elle s'épanche, mourante, En un flot de triste langueur, Qui par une invisible pente Descend jusqu'au fond de mon cœur. La gerbe épanouie En mille fleurs, Où Phœbé réjouie Met ses couleurs, Tombe comme une pluie De larges pleurs. Ô toi, que la nuit rend si belle, Qu'il m'est doux, penché vers tes seins, D'écouter la plainte éternelle Qui sanglote dans les bassins ! Lune, eau sonore, nuit bénie, Arbres qui frissonnez autour, Votre pure mélancolie Est le miroir de mon amour. La gerbe épanouie En mille fleurs, Où Phœbé réjouie Met ses couleurs, Tombe comme une pluie De larges pleurs.
Text Authorship:
- by Charles Baudelaire (1821 - 1867), "Le Jet d'eau", appears in Les Épaves, in 2. Galanteries, no. 8, appears in Les Fleurs du mal, in 1. Spleen et Idéal, no. 97, Amsterdam, À l'enseigne du Coq, first published 1866
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- CZE Czech (Čeština) (Jaroslav Vrchlický) , "Vodotrysk"
- ENG English (Peter Low) , "The fountain", copyright © 2001, (re)printed on this website with kind permission
- SPA Spanish (Español) (Juan Henríquez Concepción) , "El chorro de agua", copyright © 2008, (re)printed on this website with kind permission
Confirmed with Charles Baudelaire, Les Épaves, Amsterdam: À l'enseigne du Coq, 1866, in Galanteries, pages 61-64. Also confirmed with Charles Baudelaire, Œuvres complètes de Charles Baudelaire, vol. I : Les Fleurs du mal, Paris: Michel Lévy frères, 1868, in Spleen et Idéal, pages 231-232.
First published by À l'enseigne du Coq in Les Épaves, 1866; also appears under Spleen et Idéal as number 97 in the 1868 edition of Les Fleurs du mal.
1 Debussy:La gerbe d'eau qui berce Ses mille fleurs, Que la lune traverse De ses pâleurs, Tombe comme une averse De larges pleurs.
Research team for this page: Emily Ezust [Administrator] , Poom Andrew Pipatjarasgit [Guest Editor]
10. Effleurements  [sung text not yet checked]
Lentement, doucement, de peur qu’elle se brise, Prendre une âme ; écouter ses plus secrets aveux, En silence, comme on caresse des cheveux ; Atteindre à la douceur fluide de la brise ; Dans l’ombre, un soir d’orage, où la chair s’électrise, Promener des doigts d’or sur le clavier nerveux ; Baisser l’éclat des voix ; calmer l’ardeur des feux ; Exalter la couleur rose à la couleur grise ; Essayer des accords de mots mystérieux Doux comme le baiser de la paupière aux yeux ; Faire ondoyer des chairs d’or pâle dans les brumes ; Et, dans l’âme que gonfle un immense soupir Laisser, en s’en allant, comme le souvenir D’un grand cygne de neige aux longues, longues plumes.
Text Authorship:
- by Albert Victor Samain (1858 - 1900), "Lentement, doucement", appears in Le chariot d'or, in 1. Les roses dans la coupe, no. 11, Paris, Éd. du Mercure de France, first published 1901
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- ENG English (Peter Low) , copyright © 2022, (re)printed on this website with kind permission
11. Madrigal antique  [sung text not yet checked]
Lydia sur tes roses joues Et sur ton col frais et [plus blanc, Que le lait, coule étincelant]1 L'or fluide que tu dénoues ; Le jour qui luit est le meilleur, Oublions l'éternelle tombe. Laisse tes baisers de colombe Chanter sur [tes lèvres]2 en fleur. Un lys caché répand sans cesse Une odeur divine en ton sein ; Les délices comme un essaim Sortent de toi, jeune déesse. Je t'aime et meurs, ô mes amours. Mon âme en baisers m'est ravie ! Ô Lydia, rends-moi la vie, Que je puisse mourir toujours !
Text Authorship:
- by Charles-Marie-René Leconte de Lisle (1818 - 1894), "Lydia", written 1852, appears in Poèmes antiques, in Études latines, no. 17, first published 1852
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- CAT Catalan (Català) (Salvador Pila) , copyright © 2023, (re)printed on this website with kind permission
- DUT Dutch (Nederlands) (Marike Lindhout) , "Lydia", copyright © 2014, (re)printed on this website with kind permission
- ENG English (Rowcliffe Browne) , "Lydia", copyright ©, (re)printed on this website with kind permission
- GER German (Deutsch) (Bertram Kottmann) , "Lydia", copyright © 2004, (re)printed on this website with kind permission
1 Fauré: "si blanc/ Roule étincelant"
2 Fauré: "ta lèvre"
Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
12. Nuit d'été  [sung text not yet checked]
Ô nuit, ô douce nuit d'été qui viens à nous Parmi les foins coupés et sous la lune rose, Tu dis aux amoureux de se mettre à genoux Et sur leur [front brûlant]1 un souffle frais se pose ! Ô nuit, ô douce nuit d'été qui fais fleurir Les fleurs dans les gazons et les fleurs sur les branches, Tu dis aux tendres cœurs des femmes de s'ouvrir Et sous les blonds tilleuls errent [des]2 formes blanches ! Ô nuit, ô douce nuit d'été qui sur les mers Alanguis le sanglot des houles convulsées, Tu dis aux isolés de n'être [pas]3 amers Et la paix de ton ciel descend dans leurs pensées. Ô nuit, ô douce nuit d'été qui parles bas, Tes pieds se font légers et ta voix endormante, Pour que les pauvres morts ne se réveillent pas, Eux qui peuvent plus aimer, ô nuit aimante !
Text Authorship:
- by Paul Bourget (1852 - 1935), "Nuit d'été", written 1882, appears in Les Aveux, in Dilettantisme, in En voyage, no. 11, Paris, Éd. Alphonse Lemerre, first published 1882
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- ENG English (Peter Low) , copyright © 2022, (re)printed on this website with kind permission
1 Corbin: "fronts brûlants"
2 Widor: "les"
3 Corbin: "plus"
Research team for this page: Emily Ezust [Administrator] , Peter Low [Guest Editor]